Renzo Piano imagine un immeuble incroyable sur la mer a Monaco

Le projet permettra de transformer 6 hectares de littoral en terrain constructible, tout en offrant un accès public aux plus beaux paysages du front de mer.

Par Nick Mafi

Renzo Piano : un projet d'ampleur à Monaco

Monaco, tout comme la Côte d’Azur, n’a besoin d’aucune publicité pour faire connaître ses charmes. En la matière, une bonne image vaut mieux que mille mots : il suffit de s'imaginer la mer azur venant lécher les rochers ocre sur un bord de mer planté de palmiers, près d’un port où sont amarrés des yachts monumentaux. Il suffit sinon d’évoquer le célèbre Casino de Monte-Carlo, fréquenté par les stars et les têtes couronnées de ce monde pour convoquer cette atmosphère de légende. En quelques décennies, ces différents pôles d’attraction ont fait de Monaco le parangon du luxe.

Pourtant, le glamour et les paillettes ont une rançon : l'inexorable raréfaction du terrain constructible sur le Rocher. Chaque souverain a vu dans ce problème une opportunité pour construire de nouvelles terres. Le prince Albert I (1848-1922) a présidé à la première politique d’expansion du territoire en 1907, dont le dernier volet se déroule en ce moment même, sous l’œil attentif du prince Albert II, avec une livraison prévue en 2024.

Le Renzo, un immeuble qui sera construit sur le huitième polder monégasque, sera le premier à être intégralement conçu pour être accessible au public. La création d’une nouvelle place commerciale conçue par Renzo Piano, avec des restaurants et des boutiques, s’inscrit également au cœur du projet Mareterra.

Mareterra – un nom choisi par le prince  – est un polder qui permettra de récupérer 6 hectares de littoral afin de les transformer en terrain constructible. Ce nouveau projet dernier cri comprendra 120 propriétés résidentielles (quatre maisons de ville, 10 villas, et 106 résidences principales), une promenade en front de mer, des commerces, des restaurants, ainsi qu’une place publique sur laquelle sera installée une œuvre restaurée d’Alexander Calder.

Cette nouvelle surface constructible tombe à point nommé. Dans les endroits les plus recherchés de Monaco, les prix de l’immobilier peuvent atteindre 100 000 euros du mètre carré. On pourrait s’imaginer qu’un tel élément refroidirait les ardeurs des acheteurs potentiels. Pourtant, c’est tout l’inverse : en se promenant dans les rues de Monaco, on assiste à une véritable chorégraphie de grues de chantiers. Mais de tous les nouveaux projets immobiliers de la principauté, c’est certainement Mareterra qui fait le plus parler de lui.

L’intérieur du Renzo où un vaste salon permet à une famille de profiter de la vue sur la mer.

Cette curiosité s’explique essentiellement par les dimensions hors norme du projet et son emprise sur un terrain artificiel. Ce nouvel immeuble, baptisé Le Renzo, a tout ce qu’il faut pour susciter l’intérêt : ce bâtiment de 35 000 m2 , dont le tracé évoque la forme d'un navire fragmenté, rassemble 50 unités d’habitation et semble flotter sur la mer. Pour lui donner forme, il n’y avait pas d’architecte plus indiqué que Renzo Piano, récompensé par le prix Pritzker, qui a conçu une longue liste de structures nautiques. « L’architecture qui perdure raconte toujours une histoire séduisante, observe l’architecte âgé de 84 ans, fondateur du Renzo Piano Building Workshop. Par exemple, une maison, ça n’est pas simplement un toit, ou un abri, c’est un dialogue entre ceux qui l’habitent et les différentes périodes qui ont marqué l’histoire du territoire avant qu’ils n’arrivent. Notre tâche consiste à révéler cette histoire. » Dans le cas de Monaco, cette sentence se vérifie, tant l’ancien village de pêcheurs est devenu un havre pour les fortunés de ce monde.

Renzo Piano et son équipe ont veillé à offrir un équilibre entre  intérieur et extérieur dans la conception du plan de chaque unité de vie du Renzo.
À l’intérieur du Renzo, les habitations ont des tailles variées. Le plus petit appartement mesure 400 m2. Ici, une chambre avec un balcon privatif surplombe la mer. Chaque appartement de l’immeuble une dispose d’une double exposition sur la mer.

La croissance économique vertigineuse de la cité-État s’est accompagnée d’une évolution de la demande et des goûts de ses citoyens, sans pour autant que la conception des appartements ait évolué en conformité avec les exigences dernier cri. Une rapide recherche sur internet permet de se faire une idée de la monotonie des habitations en vente dans des tours vieillissantes, avec une petite surface au sol. « Il y a une demande accrue pour des plans ouverts avec un espace extérieur et des équipements plus luxueux », affirme Guy-Thomas Levy-Soussan, administrateur délégué de la SAM L’Anse du Portier, l’entreprise qui gère le développement et le financement de Mareterra (qui travaille en cheville avec Patrice Pastor, le fondateur du projet et l’un des neuf actionnaires privés). « Le prince, ainsi que les fondateurs de Mareterra, y ont vu une opportunité de diversifier l’offre résidentielle en attirant de nouveaux acheteurs, poursuit Guy-Thomas Levy-Soussan, mais au-delà, ce projet va permettre d'enrichir l’espace public à Monaco. »

Une terrasse privée du Renzo avec vue sur la mer.

L’architecture réagit toujours aux limites de l’environnement au service duquel elle se place. Peu de défis sont aussi grands que l’accès au front de mer à Monaco. Mareterra aurait aisément pu se contenter de réserver cette portion d’espace aux plus nantis, mais le prince en a décidé autrement. « Les objectifs des différentes extensions du territoire de Monaco sur la mer ont varié au fil du temps, observe le prince Albert II, mais je me suis personnellement assuré que le projet Mareterra réponde aux besoins de Monaco en matière d’immobilier tout en respectant l’environnement dans lequel il s’inscrit. Le développement est conçu de façon durable, en respect du cadre et de la qualité de vie, afin d’offrir un prolongement naturel de notre territoire. » En cédant près de 8 500 mètres carrés de front de mer au public (dont environ 600 mètres de pistes cyclables), Mareterra met en œuvre un principe cardinal de l’architecture : rendre plus belle la vie non seulement à ceux qui habitent dans la construction mais aussi à tous les autres.

Une vue des Jardins d’Eau, une série de résidences qui offre de vastes balcons qui sont complétés par des équipements comme des spas, des centres de fitness, des caves à vin, des salles de réunion, des salons de coiffure, des salons de massage et des piscines.
La piscine de 20 mètres sur 16, réservée aux propriétaires du Renzo, sera alimentée en eau de mer filtrée et renouvelée chaque jour.

Le plan d’ensemble de Mareterra a été conçu par le cabinet parisien Valide & Pistre architectes. Celui-ci laisse une place à une multiplicité d’utilisations de ce nouveau terrain. L’intention de rendre une grande partie de Mareterra accessible au public est l’un des facteurs principaux du succès de cette entreprise. Car, outre les 10 000 m2 d’espaces publics verts conçus par le paysagiste Michel Desvigne, le public pourra visiter un pavillon contenant une œuvre majeure restaurée du sculpteur Alexander Calder.

Depuis longtemps, le nom de Monaco est associé au Grand Prix de Formule 1. Si cette course vieille de 93 ans a permis de faire connaître le nom de Monaco dans le monde entier, les ambitions du prince Albert II vont bien au-delà de l'automobile. Car le souverain cherche à faire de Monaco un modèle d'éco-responsabilité (les meilleures places de parking du Rocher sont d’ores et déjà réservées aux véhicules électriques). Ainsi, pour le prince comme pour les fondateurs du projet Mareterra, l’écologie et l’économie doivent fonctionner main dans la main. L'extension du territoire de la principauté a ainsi été une occasion d'investir dans la vie marine qui la borde. « Nous avons invité des experts internationaux à concevoir des habitations, précise Levy-Soussan, mais nous avons également fait venir des experts pour développer les récifs qui accueillent la faune marine environnante. » Deux villages de récifs artificiels ont ainsi été créés pour émuler un environnement corallien. Le groupe affirme avoir déjà observé un peuplement de ces nouveaux habitats sous-marins.

L'espace public verdoyant offre aux habitants et aux touristes de nouvelles découvertes culturelles.

Mareterra se trouve à la pointe d’une architecture pour laquelle les immeubles permettent l’accès de tous à un bien commun. « Notre objectif a consisté à créer un immeuble privé pour les habitants, tout en donnant au public une impression d’ouverture et d’accessibilité à ce nouveau territoire, précise Renzo Piano. Nous l’avons fait en concevant un immeuble qui semble se séparer du sol, ce qui signifie que peu importe l'endroit où l’on se trouve par rapport à la construction, on voit la mer. »

Les architectes ont décidé qu’il était indispensable que la construction du Renzo s’accompagne de la construction d’une promenade publique sur le front de mer.
Cette dissimulation des éléments logistiques en sous-sol permet de circuler librement sans voitures sur le front de mer.

Quand on lui demande s’il trouve Le Renzo beau, l’architecte secoue la tête : « Parler de beauté, c’est dangereux, car on pourrait croire qu’il s’agit de quelque chose de frivole. Si notre immeuble est beau, c’est parce qu’il procure une sensation d’infinité. »